Troubles du comportement alimentaire : comment aider un proche ?

En France, anorexie, boulimie et orthorexie toucheraient environ 900 000 personnes. Ce chiffre est établi sur les données de la littérature et celles de l’INSEE, mais il reste estimatif puisqu’il ne prend pas en compte les personnes non diagnostiquées [1]. On serait donc plus près de 1 million de personnes concernées. De plus, une récente étude publiée en 2022 [2] nous indique que la fréquence et la sévérité des troubles alimentaires auraient augmenté de manière significative depuis la pandémie de COVID-19, notamment chez les étudiant.es.

Alors, comment aider un proche souffrant de troubles du comportement alimentaire ? Vers qui les orienter ? Quels conseils leur donner ou au contraire quelles attitudes sont à éviter ? Voici autant de questions délicates auxquelles nous allons répondre dans l’article ci-dessous.

Comprendre en quoi consistent ces troubles mentaux

Commençons tout d’abord par expliquer cette maladie. Le terme de TCA regroupe plusieurs affections dont le nombre et la définition varient en fonction des classifications. Il s’agit d’une relation inhabituelle avec la nourriture provoquant une souffrance psychique et une atteinte de la santé des personnes concernées. La Haute Autorité de Santé (HAS) définit 8 grandes pathologies dont les principales sont : l’anorexie mentale, la boulimie et l’hyperphagie. Chacune d’entre elles est associée à un certain nombre de critères détaillés dans les classifications internationales. Ces critères sont nécessaires pour établir un diagnostic précis suivi d’une prise en charge adaptée, mais certains indicateurs, que nous allons décrire ci-dessous, peuvent déjà nous mettre sur la piste d’un TCA.

L’anorexie mentale

Ce trouble est essentiellement féminin et se déclenche le plus souvent à l’adolescence (entre 14 et 17 ans). Une revue des études épidémiologiques conduite entre 2000 et 2018 indique que la prévalence de cette maladie au cours de la vie serait de 1,4% chez les femmes et de 0,2% chez les hommes [3]. Elle se caractérise par une façon de s’alimenter restrictive et volontaire menant à un amaigrissement. L’état de santé général se détériore provoquant des perturbations hormonales (absence de règles de plus de 3 mois, ralentissement de la croissance), cognitives et émotionnelles. Elle est également associée à une perception déformée de son corps, à un refus de reconnaître sa maigreur et une baisse de l’estime de soi.

La boulimie

Elle se caractérise par des crises compulsives avec ingestion d’aliments en quantité démesurée suivies de « pratiques compensatoires » telles que les vomissements, la prise de laxatifs ou encore l’activité physique excessive [4]. L’anorexie et la boulimie sont souvent liées. Elles peuvent être associées ou s’alterner. Le schéma le plus couramment observé est une phase d’anorexie mentale restrictive intense au cours de la puberté suivie par une période d’alternance entre boulimie et vomissements à l’approche des 18 ans. On estime que 20 à 50% des personnes souffrant d’anorexie mentale ont des crises de boulimie.

L’hyperphagie

Aussi appelée hyperphagie boulimique, il s’agit d’épisodes de boulimie récurrents sans comportements compensatoires associés.

L’orthorexie

À ces 3 pathologies peut s’ajouter « l’orthorexie », un terme plus récemment décrit qui consiste à contrôler son mode de vie de façon extrême pour répondre aux codes du « healthy ». Cela se caractérise par un manque de flexibilité dans différents domaines :

  • L’alimentation : la consommation de produits dits « sains » et l’éviction de certaines catégories d’aliments (sans gluten, sans lactose, régime végan ou végétarien, etc.).
  • La pratique d’activités sportives à outrance avec une impossibilité de décaler ou de supprimer une séance préalablement fixée.
  • Le refus de participer à certains événements ne collant pas à nos codes du « healthy lifestyle ».

Ces pratiques peuvent mener à terme à un éloignement sur le plan relationnel, professionnel ou privé, car elles ne laissent aucune place à l’imprévu. On l’observe parfois chez des personnes se disant « guéries » de l’anorexie. C’est une manière de contrôler son corps qui peut rassurer lors de la prise de poids liée à la guérison, mais qui se traduit par une incapacité à lâcher-prise. Un tel comportement indique souvent la nécessité de se faire accompagner au niveau psychoémotionnel pour déterminer les freins à lever pour atteindre un état de santé optimal.

Les attitudes à adopter pour aider un proche souffrant de trouble du comportement alimentaire

Un individu souffrant de TCA va se renfermer sur lui-même et refuser de l’aide, il est donc parfois difficile de savoir comment réagir pour lui apporter du soutien. Néanmoins, il est important de sensibiliser la personne aux risques associés et de l’orienter vers un.e professionnel.le de santé. En effet, dans certains cas l’hospitalisation peut être nécessaire lorsque le pronostic vital est en jeu ou en cas d’épuisement de l’entourage.
Ensuite, plusieurs thérapies peuvent être proposées. Leur but est de :

  • Restaurer un poids de santé avec une alimentation régulière et variée.
  • Retrouver des sensations de faim et de satiété.
  • Minimiser les impacts sur le plan relationnel et social.
  • Diminuer les souffrances psychologiques.

Pour toutes les formes de TCA, l’accompagnement psychoémotionnel est indispensable. Il existe plusieurs psychothérapies qui ont toutes pour objectif un travail sur soi profond. Le but de ces séances est de modifier ces schémas de pensée pour atteindre un mieux-être général et se détacher ainsi de certains troubles ou pathologies. Certaines approches nécessitent un retour sur le passé, c’est le cas des thérapies transgénérationnelles ou familiales, mais ce n’est pas une obligation. La prise en charge des TCA a été particulièrement étudiée dans le cadre des thérapies cognitivo-comportementales (TCC) [9]. Elles visent à éliminer les symptômes grâce à une restructuration des pensées. Sans chercher forcément à comprendre les raisons du trouble, elles apportent une efficacité dans la rémission des TCA en créant de nouveaux schémas cognitifs. Pour autant, mon avis est qu’il est important de l’intégrer uniquement dans le cadre d’une thérapie plus longue. Un accompagnement sur plusieurs années en travaillant notamment aussi sur la relation au corps est nécessaire. De très nombreux autres soins existent et peuvent tout à fait être bénéfiques pour un TCA :

  • l’entretien motivationnel,
  • la psychoéducation,
  • les thérapies comportementales et cognitives (TCC), dont la thérapie d’acceptation et d’engagement (ACT) et la thérapie cognitive basée sur la pleine conscience (Mindfulness-Based Cognitive Therapy, MBCT),
  • la remédiation cognitive (RC),
  • la thérapie familiale,
  • l’approche psychodynamique,
  • les approches à médiations corporelle ou artistique,
  • et enfin les applications numériques dédiées au TCA.

Le plus important est d’être bien accompagné pour débuter le suivi.
L’attitude à adopter face à une personne souffrant de TCA est donc de :
1- Lui faire prendre conscience de son trouble et des conséquences sur sa santé.
2- L’orienter vers un.e professionnel.le de santé.
3- Lui apporter de l’écoute.
4- Lui proposer un soutien psychoémotionnel sous forme de différentes psychothérapies (hypnose, TCC…).

Au contraire, lui imposer de manger tel ou tel aliment ou encore lui demander de faire moins de sport serait contre productif. La personne malade ne percevra pas ces méthodes de façon positive, aussi bienveillantes soient-elles. Il est plus judicieux de l’orienter vers un.e professionnel.le de santé, un.e psychothérapeute ou un.e naturopathe qui saura lui donner les conseils ajustés en fonction de la sévérité de son trouble.

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Les prédispositions des personnes souffrant de TCA

Au-delà du diagnostic qui repose sur les indicateurs issus des classifications internationales, il existe des facteurs de risque prédisposants certains individus à développer des TCA. Il y a des causes génétiques, environnementales, familiales et socioculturelles.

Les facteurs génétiques

Des études [5] ont mis en avant que les personnes souffrant d’anorexie mentale présentent des mutations sur huit gènes préalablement identifiés dans d’autres troubles tels que la dépression ou l’anxiété. À ce jour aucun gène prédisposant à l’anorexie mentale ou la boulimie n’a été directement identifié. Il semblerait plutôt que ce soit un ensemble de gènes mineurs associés à d’autres facteurs de risques qui contribuerait à l’apparition de TCA.

Des causes épigénétiques et environnementales

Une étude de 2017 s’est penchée sur le lien entre épigénétique et TCA. Elle a mis en avant que la dénutrition dans l’anorexie mentale pourrait induire des changements épigénétiques participant à l’installation et la chronicisation du trouble [6]. En effet, face à une restriction alimentaire prolongée, l’organisme modifie son métabolisme et les circuits de régulation de l’appétit et de l’humeur. Ainsi, 80% des personnes souffrant d’anorexie présenteraient une altération du circuit de la récompense. Chez elles, les endorphines seraient sécrétées, non pas lors de la dégustation d’aliments appétissants, mais au contraire lors de jeûne, de restrictions alimentaires ou d’activités physiques intenses. Ces modifications neuronales renforcent la maladie qui s’installe et se chronicise [7].
Par ailleurs, une étude de 2017 nous indique que ces mutations génétiques seraient transmises par la mère in utero. D’après cette étude, les enfants de mères souffrant de TCA sont plus à risque de développer des troubles précoces de l’oralité et des comportements restrictifs vis-à-vis de l’alimentation à l’âge adulte [8].
Les personnes ayant subies des stress précoces ou traumatismes seraient également prédisposées. Un environnement familial froid avec un manque d’affection dans l’enfance constitue un stress qui peut ensuite se répercuter sur la relation à l’alimentation. De la même façon, des maltraitances, des abus sexuels ou encore des difficultés périnatales pourraient modifier l’expression de divers gènes, dont certains seraient responsables du développement de zones du cerveau.

Les raisons individuelles liées au tempérament

Certains traits de caractère seraient plus présents chez les personnes souffrant de TCA :

  • le perfectionnisme,
  • une faible estime de soi,
  • l’anxiété et la dépression.

Des déterminants socioculturels

Le contexte social dans lequel nous vivons actuellement est un facteur majeur d’aggravation des troubles du comportement alimentaire. Aujourd’hui, la minceur et la perte de poids sont valorisées (notamment chez les femmes) au détriment de la santé. Chaque année au printemps, les médias nous assaillent de programmes fitness et régimes miracles pour obtenir le tant attendu « summer body ». Ces messages marketing sont puissants et modifient la perception de nos propres corps, c’est ce que l’on appelle la dysmorphophobie. La comparaison permanente à des profils modèles affichés sur les réseaux sociaux alimente le manque d’estime de soi et augmente le risque de développer des TCA. L’utilisation fréquente des médias connectés truffés de photos et de vidéos ne fait qu’accroitre ce phénomène dès le plus jeune âge. La peur de grossir devient alors omniprésente et elle pousse les jeunes adolescents et adolescentes à contrôler leur corps.

D’autres pistes encore à l’étude : le microbiote intestinal

En effet, des investigations [5] ont montré qu’un microbiote déséquilibré pourrait favoriser le développement d’anorexie mentale et le risque de rechute. Mais à ce jour, il persiste encore des doutes sur l’ordre d’apparition des troubles : est-ce que les anomalies du microbiote sont à l’origine du TCA ou bien sont-elles la résultante ? Plusieurs études sont en cours pour explorer cette piste qui semble extrêmement complexe.

Les conséquences de la restriction alimentaire sur la santé des femmes

Les conséquences sur la santé sont importantes et ne doivent pas être prises à la légère.
La restriction alimentaire sur le long terme place l’organisme dans un état de stress intense. Il se met en mode « survie » en stoppant une partie des fonctions qu’il juge « moins prioritaires ». On voit notamment apparaître des symptômes comme la perte de cheveux, les ongles cassants, l’anémie, la frilosité constante, l’aménorrhée, le syndrome de Raynaud, la baisse ou l’absence de libido, des désordres digestifs comme la constipation…
En phase de forte dénutrition, on observe également des répercussions plus graves avec une atteinte cardio-vasculaire (baisse du rythme cardiaque, chute de tension…). Et sur le long terme, la densité minérale osseuse diminue menant à de l’ostéoporose précoce et un risque de fracture élevé.
Bien sûr, il y a aussi des conséquences sur le plan psychoémotionnel. Les TCA entraînent une rigidité des comportements avec une altération de la qualité des relations sociales, affectives et sexuelles. Ce qui peut, à terme, avoir un impact sur la vie privée, scolaire et professionnelle.
Les crises de boulimie peuvent permettre de reprendre du poids et de limiter ces symptômes. Mais elles amènent d’autres problématiques comme des déséquilibres ioniques importants menant à des risques cardio-vasculaires ou encore une dégradation de la dentition.

▶ À lire aussi : brouillard mental et fatigue intellectuelle : 5 pistes à explorer

👉Ce qu’il faut retenir

L’attitude à adopter face à une personne souffrant de TCA est :
1- De lui faire prendre conscience de son trouble et des conséquences sur sa santé.
2- De l’orienter vers un.e professionnel.le de santé.
3- De lui apporter de l’écoute.
4- De lui proposer un soutien psychoémotionnel sous forme de différentes psychothérapies (hypnose, TCC…).

 

Article co-écrit avec Emilie Gauvrit, naturopathe.

Qui suis-je ?
Isabelle Le Brun, naturopathe santé de la femme et professeure de yoga.
Je vous accompagne sur Vannes et à distance pour mieux vivre vos émotions, être pleinement dans votre corps et en harmonie avec votre cycle menstruel.

Sources citées dans l’article : 

[1]https://www.ffab.fr/images/mesimages/journeemondialetca/FFAB_-_A_propos_des_chiffres_concernant_les_TCA_juin_2022.pdf

[2] Tavolacci MP, Ladner J, Dechelotte P. Forte augmentation de la prévalence des troubles du comportement alimentaire chez les étudiants pendant la pandémie COVID-19. Nutrition Clinique et Me´tabolisme. 2022 Feb;36(1):S28–9. French. doi: 10.1016/j.nupar.2021.12.053. Epub 2022 Mar 7. PMCID: PMC8900953.  https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC8900953/

[3] https://academic.oup.com/ajcn/article/109/5/1402/5480601?login=false

[4] Which dimensions of impulsivity are related to problematic practice of physical exercise ? Gayatri Kotbagi, Yannick Morvan, Lucia Romo, Laurence Kern. Journal of Behavioral Addiction. 2017 May 11:1-8. doi: 10.1556/2006.6.2017.024.

[5] https://www.inserm.fr/dossier/anorexie-mentale/

[6] Aaron J. Stevens, Julia J. Rucklidge & Martin A. Kennedy (2017): Epigenetics, nutrition and mental health. Is there a relationship?, Nutritional Neuroscience, DOI: 10.1080/1028415X.2017.1331524

[7] Mörkl S, Lackner S, Müller W, Gorkiewicz G, Kashofer K, Oberascher A, Painold A, Holl A, Holzer P, Meinitzer A, Mangge H, Holasek S. 2017 Dec;50(12):1421-1431. Int J Eat Disord.

[8] Easter A, NaumannU, Northstone K, Schmidt U, Treasure J, Micali N. A longitudinal investigation of nutrition and dietary patterns in children of mothers with eating disorders A longitudinal investigation of nutrition and dietary patterns in children of mothers with eating disorders J Pediatr 2013 Jan 17

[9] https://www.ffab.fr/la-recherche/veille-scientifique-tca/368-identification-des-criteres-fondamentaux-de-remission-pour-les-troubles-du-comportement-alimentaires-revue-systematique-et-meta-analyse-qualitative

Pour aller plus loin : 

https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0985056214001290

Gennart M. Antilogique et troubles du comportement alimentaire. Rev Med Suisse. 2017 Nov 8;13(582):1963. French. PMID: 29120547. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/29120547/

Guy-Rubin A, Gorwood P. Les troubles du comportement alimentaire. Rev Prat. 2016 Jun;66(6 Suppl):e274. French. PMID: 27538338.

https://www.frm.org/recherches-autres-maladies/troubles-des-conduites-alimentaires/focus-troubles-conduite-alimentaires#chiffres-cles

 

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